Un couple de pagayeurs qui tente de rejoindre la rive à
toute vitesse, façon Tex Avery, alors que le canoë se remplit d’eau, implacablement. Un superbe dos musclé entièrement tatoué de motifs asiatiques. Une montgolfière planant dans le silence d’un
soir d’été à seulement quelques mètres de la surface du Cher.
Serait-ce un inventaire à la Prévert ? Non, juste l’évocation de quelques souvenirs de la descente Loire Canoë Bois
2010 organisée par l’association Loire Aventure Amboise les 3, 4 et 5 septembre. Les 33 canoës participants ont ainsi conclu une trilogie ligérienne qui aura permis de découvrir plus de 120 km de
Loire sur trois années, avec les associations partenaires Thorvald Aventure et Voile et Canotage d’Anjou.
VENDREDI 3 SEPTEMBRE
Rendez-vous était donné dès le vendredi après-midi sur le
bief du château de Chenonceau. Les chanceux qui n’habitent pas trop loin ou ceux qui peuvent moduler leur emploi du temps se sont donc retrouvés sur les rives du Cher.
Soleil radieux. Temps estival prévu pour tout le week-end. L’humeur était à la légèreté. Philippe et moi sommes arrivés
vers 16 h. Yannick et Serge (rappel de l’article n°1 de notre règlement : toujours commencer par nommer le président), Françoise et Guy, Antoine, Christophe, Daniel, Jean-Pierre … bref, une bonne
partie du groupe Voile et Canotage était déer dans les eaux du Cher serait un terme plus approprié à la tenue de notre canoë. N’ayant pas vu l’eau depuis notre descente de Dordogne quinze jours
plus tôt, et ayant fini de sécher sur la galerie dejà sur place, les canoës rassemblés sur la rive, prêts à voguer sur les eaux claires du Cher. S’immerg notre fourgon pendant le trajet depuis Angers, il s’est transformé en pédiluve dès la mise à l’eau.
Je n’ai guère profité du paysage durant le premier kilomètre, écopage oblige. Peu de courant, vent nul, remonter le cours
de la rivière fut aisé, la limpidité des eaux invitant à se régaler du spectacle des algues et innombrables poissons ondulant au soleil. Soudain, ce fut LE cadeau. Le château de Chenonceau est
apparu au détour d’une courbe, baignant dans la lumière d’été, ses arches surplombant le Cher. Les dizaines de touristes agglutinés aux fenêtres des deux niveaux de la bâtisse ont abondamment
photographié nos embarcations semblant surgies d’une autre époque. Passage sous l’arche centrale, petit détour par le port privé, navigation sous le pont, nous avons eu l’impression de vivre un
moment hors du temps dans le calme de ce bel après-midi d’été.
Remontant le Cher jusqu’à Chisseaux, un petit kilomètre en amont, nous avons croisé au
passage une superbe péniche anglaise. La chaleur nous a poussés vers l’ombrage de la buvette du camping tandis qu’Antoine s’essayant à la pêche a sorti de l’eau un silure d’un gabarit déjà
respectable. Lors de notre retour, attirés par l’harmonie des lieux au niveau du château, nous avons décidé d’accoster. Après la découverte des magnifiques jardins à la française, nous avons
décidé de poursuivre par la visite du château. Surprise : nous avons pu accéder librement, l’entrée officielle du site se trouvant à l’entrée du parc, côté route. Malgré la
splendeur des lieux, nous ne nous sommes pas attardés, nous sentant
« clandestins » facilement repérables avec notre bidon étanche sous le bras ; juste le
temps de faire quelques clichés du canoë de Michel et Chantal cadré dans le vitrail d’une fenêtre. Le retour dans la lumière du soleil couchant fut enchanteur. C’était l’heure de l’envol des montgolfières.
Chargées de touristes, trois puis quatre puis cinq montgolfières apparurent dans le panorama du château. L’une d’entre elles survolait le Cher à moins de 50 mètres de notre canoë. Nous la vîmes
descendre, descendre, descendre encore vers l’eau. Nous nous attendions à la voir plonger d’un moment à l’autre. Mais d’un coup de lance-flamme, son habile pilote lui a fait franchir facilement
les arbres de la rive. Le gros ballon rouge s’est éloigné, tel un rêve que l’on a du mal à retenir le matin au réveil.
Nous avons croisé de nombreux autres canoës bois. Malgré leur arrivée tardive sur le lieu de rendez-vous, les participants
à la randonnée n’ont pas voulu se priver du plaisir de la découverte nautique du château, à la lumière du soleil couchant, dans un calme absolu.
SAMEDI 4 SEPTEMBRE
Après une nuit calme au camping River Camp nous avons quitté les rives du Cher pour retrouver le fleuve Royal à Amboise,
sur l’île d’Or, près du siège de l’association Loire Canoë Amboise. Déchargement des embarcations, briefing, transport des véhicules jusqu’à Port de Luynes, retour par le car. Le soleil était
déjà haut quand tous les bateaux furent enfin sur l’eau, chargés du matériel de camping, prêts à se laisser porter par le courant. Très vite, l’heure du pique-nique est arrivée, moment de partage où chacun s’est fait un plaisir de faire
découvrir à ses voisins sa spécialité locale, spécialité le plus souvent liquide …
Le temps de quelques pauses boisson ou baignade, Rochecorbon, l’escale du soir, s’est rapidement profilé à l’horizon. Le
vent portant et le courant relativement fort de la Loire ont permis de parcourir les 22 kilomètres de l’étape sans trop d’efforts, encore moins pour les heureux propriétaires de canoës à voile.
L’île choisie par nos organisateurs pour le campement s’est couverte de toiles colorées.
Après une baignade sportive contre le courant, des échanges sur les restaurations de canoës en cours, sur les
aventures et mésaventures nautiques de l’été, l’heure de l’apéro est arrivée rapidement.Le cuistot de Loire Aventure nous avait concocté un repas « comme à la maison ». Même mieux qu’à la
maison au vu de mes capacités culinaires. Humm… les fromages de chèvre et leur tranche de lard grillés au feu de bois, la purée de pommes de terre parfaite . ... Et puis, le dos musclé
entièrement tatoué, eh bien c’était celui du cuisinier !
La nuit tombante, la soirée s’est terminée autour du traditionnel feu de camp, avec la découverte de la surprise annoncée
au programme. Un conteur local (tourangeau) nous a fait découvrir une autre facette de la Loire : la Loire littéraire. C’est, bercés par des textes de Victor Hugo, Jacques Lacarrière ou du
géographe Elisée Reclus que nous avons terminé cette délicieuse journée.
Extrait : « Depuis qu’enfant, je l’ai découverte( la Loire), j’ai toujours quelque part en moi, enclos
d’images, de senteurs et de sons, un mont Gerbier de Songes ». Jacques Lacarrière dans « Un amour de Loire », éditions Christian Pirot.
5 SEPTEMBRE DIMANCHE
C’est toujours sous un soleil radieux que la journée du dimanche s’est levée. Nos hôtes du week-end avaient déjà
chauffé le petit déjeuner au feu de bois et grillé les tartines. Le démontage du camp s’est fait aisément, le soleil du matin évacuant rapidement l’humidité de la nuit.
Briefing obligatoire avant d’embarquer. Deux passages humides, voire très mouillés ont été annoncés : le pont Wilson
et le pont de la Motte à Tours. De gros cailloux dans les rapides du pont Wilson, de grosses vagues au pont de la Motte. Le départ de la flottille s’est fait dans un silence pesant. Chacun
était-il hanté par la vision de son canoë broyé par les grosses pierres du pont Wilson (N’oublions pas que c’est lors du passage de ce pont que Bernard Ollivier a failli se noyer lors de son
« Aventure en Loire »). Ou alors, vision plus légère, le canoë simplement submergé par les remous du pont de la Motte (pas de danger nous a dit l’organisateur. Le seul risque, c’est de
remplir le canoë !)
Tours se trouve à un petit kilomètre de notre escale nocturne. Très vite, nous avons repéré le pont Wilson. Nous avons
débarqué pour effectuer une reconnaissance du terrain. Allait-t-il falloir organiser un portage pour éviter un passage périlleux ? Mais sortir les bateaux à cet endroit s’avérait difficile,
la rive étant très encaissée. Après avoir observé le niveau d’eau, les plus expérimentés se sont lancés dans la descente du rapide sous la pile bâbord. D’habiles manœuvres leur ont permis
d’éviter les rocs. Les plus téméraires ont suivi. Certains canoës garderont des stigmates de leur descente. Jugeant le passage trop délicat pour leurs compétences, quelques uns d’entre nous ont
confié leurs esquifs à des pagayeurs plus expérimentés. D’autres, encore plus prudents, ont préféré porter malgré la difficulté.
Très (trop) rapidement, le pont de la Motte s’est profilé à l’horizon. La flottille s’est
arrêtée sur un banc de sable en amont. Après reconnaissance, la descente s’est organisée, les plus confirmés se positionnant au départ et à l’arrivée. Malgré la tranquille assurance des
organisateurs, avec quelques autres « dégonflés », nous avons cherché un passage plus facile. Sous la pile du pont la plus proche de la rive gauche, nous avons pu tranquillement passer
à pied dans le courant, en remorquant nos embarcations.
Les autres ont tenté l’aventure. « Le passage est délicat mais pas dangereux, le seul risque, c’est
d’embarquer de l’eau. » nous avait-on annoncé au briefing. Eh bien, ce fut la réalité pour une bonne partie des canoës. Chahutés dans les remous, embarquant de l’eau par l’avant, il
suffisait que l’équipage s’incline du mauvais côté pour rapidement « faire le plein ». C’est ainsi que 4 ou 5 canoës ont chaviré. Mais nos amis vikings, avec toute l’énergie qu’on leur
connaît, ont refusé de laisser faire et se sont mis à pagayer de toutes leurs forces pour regagner la rive avant de couler. Ils ont ainsi provoqué l’hilarité générale non dénuée d’admiration face
à une telle détermination.
Le pique-nique du midi fut le bienvenu après de telles émotions. Le cuistot de l’association nous avait encore mitonné un
délicieux repas. Le généreux soleil du midi a séché le matériel malmené au passage du pont, et agrémenté baignades et siestes.
La fin de la randonnée fut une simple ballade digestive comparée aux moments forts de la matinée. Baignade, observation
d’empreintes de castor ont clôturé notre parenthèse ligérienne.
Merci à Loire Aventure Amboise pour ce délicieux week-end à l’organisation sans faille.
Danièle
album photos
Loire canoë bois 2010-09-08