Lundi 18 : En route vers Orléans
On rengaine le matériel, on remonte à bord, et en voiture Simone, on continue à tailler la route en direction du camping de St Ay *. La miction s’est bien passée,
le roncier au pied duquel elle a eu lieu semblait un peu sec ; les mûres seront bonnes cette année. Soulagés, Dominique et Patrick atteignent leur but en fin d’après-midi. La roulotte
d’Anne-Thérèse et Yves est déjà à poste, d’autres membres de l’équipe sont également présents.
On s’embrasse, on se congratule, on parle du temps, du trajet et on commence à dresser les guitounes. Y’a de tout : de la Quechua qu’on lance à la petite tente
igloo traditionnelle. Un modèle atypique enchante toute l’équipe : la canadienne de Dominique (alias Peupeu), objet de collection des années soixante-dix. Les fermetures de l’entrée sont
hors d’usage, ce qui permettra à la sympathique cabane de toile de vomir le lendemain matin une partie de son contenu.
Comme l’an passé, les camping-caristes
proposent de s’occuper de l’intendance, ce que la bande de fainéants qui les accompagne, se dépêche d’accepter. Une fois de plus, Anne Thérèse et Chounet seront au TOP durant tout le
séjour !
Douze Rats sont bientôt assis autour de la table : Jean-Paul et Bernadette, Jean-Luc, Roselyne et Jacques, Serge et Yannick, Anne-Thérèse et Yves, Dominique et
Patrick, Marianne enfin, qui se met à pouffer. Elle pensait que Dominique était la femme de Patrick. Elle réalise son erreur en voyant ce splendide spécimen de la gent masculine, roulant des
pectoraux. * (Prononcer Saint i , si on ne veut pas passer pour un plouc )
Mardi 19 : La colère du ciel.
Les herbes humides lui chatouillant le trou de balle, Plume trottine frileusement au bout de sa laisse. Il est huit heures du mat, Yves et son toutou adoré font
leur petite promenade matinale. Patrick qui revient des toilettes, les rejoint et tous trois rallient le camping-car pour y prendre un petit déj bien chaud. Il faut ça ! Le crachin se met de
la partie et le thermomètre affiche un neuf degré et demi à tout casser, beau mois de juillet décidément !
Le reste de l’équipe émerge du sommeil au compte goutte. Marianne, qui a dormi dans sa voiture arbore une magnifique coupe de cheveux TNT. Les autres montrent aussi
quelques signes de fatigue. Ils n’ont pu s’endormir très tôt la veille, des malappris ayant discuté bruyamment au bar du camp jusqu’à une heure du matin. Peupeu dort toujours, sauf ses pieds qui
ont choisi de voir la lumière du jour avant le reste du bonhomme.
Seuls, Anne Thérèse, Yves et les frères, bien à l’abri dans leur fourgon, semblent en forme. Le ciel est gris. Très gris. Il fait froid. Bien froid. Après s’être
prosternés devant leur Grand Gourou Météo, les Rats attendent ses prévisions. Ce sera du moche. Du très moche ! ça va pisser dru et ça ne s’arrêtera qu’à quinze heures. Comme pour confirmer
ses dires, ça se met à tomber et le niveau de l’eau est bientôt tel que le fourgon des frangins devient une île depuis laquelle les deux naufragés regardent leurs compagnons d’infortune de leurs
grands yeux de coureurs de rivière.
Un petit groupe de Rats bricoleurs se met à fabriquer une sorte d’abri en tendant une bâche entre le camping-car et le fourgon. Bouts de ficelle et pagaies
attachées les unes aux autres renforcent la structure. Qui n’a pas vu ça n’a aucune idée de ce à quoi peut ressembler un bivouac de romanos !
Jean-Luc et Peupeu, qui étaient partis en reconnaissance au village, reviennent tout excités et annoncent qu’ils ont trouvé un resto chinois qui accepte de recevoir
la troupe, même trempée, pour onze euros tout compris, entrées, plats et desserts à volonté. Emballé c’est pesé, l’équipe au complet se retrouve bientôt devant un buffet oriental bien garni. La
nourriture est bonne, la patronne très accueillante, on peut se servir copieusement ce qui entraînera chez un Rat dont le nom ne sera pas cité ici, une gingembrite aiguë qui ne disparaîtra que le
jeudi soir suivant.
Et le programme de navigation dans tout ça ? Vu le temps, on décide de supprimer l’étape du jour (Meung/Loire – Cour/Loire) et de se rendre au camping de
Muides sur Loire, dès que la flotte aura cessé.
De retour au camp, chacun tue le temps à sa manière : ça dort, ça discute, ça joue au jeu des P’tits Cochons … bref, on s’occupe. Un couple de quinquas suisse
allemand vient prendre langue avec Jean-Luc et Patrick. Ils descendent une partie du fleuve en kayak pliable et voyage dans une superbe Deux Chevaux blanche. Ils semblent intéressés par les
embarcations bois. On se comprend à peu près, Les Suisses parlant un mauvais français et les français un mauvais allemand. Quinze heures cinq, une culotte de gendarme apparaît entre les nuages.
On se prosterne, comme il se doit aux pieds de Grand Gourou, on démonte, on plie et on s’en va. Une heure plus tard, tout le monde est confortablement installé en bord de Loire et on décide de
remonter le courant, histoire de dire qu’on aura quand même un peu navigué ce jour-là. La troupe passe sous le pont de Muides et se heurte bientôt à un petit seuil. En pagayant comme des sauvages
et en choisissant la bonne veine, certains réussissent à le franchir et à s’élever au niveau supérieur. Bernadette, à qui son homme a recommandé de ne pas trop se fatiguer, a compris le contraire
et s’acharne comme une démente. A ses côtés, Dominique fait de même. Ils n’avancent pas d’un iota mais ne s’en rendent pas compte. Ils font penser au lapin Duracell de la publicité ! Au bout
de vingt minutes de ce petit manège, on va les récupérer.
Le soir tombe, tout le monde se retrouve autour de la table pour un savoureux dîner et après un petit brin de toilette, la petite bande va se coucher.
Fin du premier épisode. Prochain épisode : Mercredi 20 juillet, les Nymphettes.
Mercredi 20 : Les Nymphettes
Un pâle soleil se lève sur le bourg de Muides. Un à un, les Rats s’éveillent et rallient la roulante où leur est servi avec amour un substantiel petit déj. Patrick
et Jean-Luc partent au ravitaillement et reviennent avec pain et pâté de tête acheté chez un homonyme de Patrick, un certain Alain Jorand, charcutier traiteur de son état, un emballage vierge
rapporté de la boutique l’attestant.
Un petit bras de Loire baigne la plage du camping. C’est là que tout le monde embarque, bien équipé, la canicule n’étant pas encore au programme pour la journée.
Les fiers navigateurs et trices passent sans encombres deux petits seuils mignonnets. Le fleuve est égal à lui-même, superbe !
A l’horizon se profile bientôt Blois, bonne ville du seigneur Jack Lang. La troupe s’arrête à quelques encablures du pont, sur la rive droite. Oh là là ! gros
bouillon en perspective sous la deuxième arche ! On regarde, on s’interroge, y a-t-il des cailloux ou non ? Ces atermoiements ne sont pas du goût de Peupeu qui, excité comme un pou, se
glisse dans son kayak et s’engouffre dans la veine d’eau coléreuse qui rugit sous le pont. Contre toute attente, alors que ses potes et potesses se demandent déjà comment avertir sa veuve, le
héros triomphe de l’onde déchaînée, aussitôt salué par un tonnerre d’applaudissements. La route est tracée, il n’y a plus qu’à suivre … en faisant gaffe quand même !
Jean-Paul, qui a pris des photos des passages, est le dernier à franchir l’obstacle. Le dernier ? Mince … et Jean-Luc ? Où est-il passé
celui-là ?
L’animal est déjà loin en aval. Fidèle à son image de franc-tireur, il est passé rive gauche, discrètement, sans rien dire.
Tiens, bizarre ! Le compte semblait bon or, deux embarcations apparaissent sous l’arche du pont de Blois et empruntent le passage que, a-t-on appris depuis
peu, les autorités Blésoises envisagent de baptiser officiellement « Voie Peupeu ». Les pagaies sont en plastique blanc, ces sauvages ne font donc pas partie de la troupe. Hélas …
Devant les yeux médusés des Rats, passent à toute vitesse deux ravissantes jeunes femmes, joyaux enchâssés dans leurs kayaks synthétiques de location. Le tonneau étanche, surmonté d’une tente
–Galette, que l’on distingue sur l’une des embarcations, fait penser aux avions-radars Awacs. Au passage, ces jolies nymphettes complimentent les Baba Cool sur la beauté de leurs esquifs en bois,
et continuent leur route en pagayant fermement.
La bande des Rates et Rats se regroupe et s’éloigne à son tour. Curieusement, les éléments mâles semblent avoir un regain d’énergie qui les pousse à accélérer le
rythme. Le deuxième pont de Blois se présente, un seuil apparaît sous ses arches. Il est franchi sans encombres. Troisième pont en vue, avec seuil également, ça passe pour tout le monde mais ça
gratte un peu pour certains.
Les minettes sont bientôt rejointes puis dépassées. Comme il commence à faire faim, Jean-Luc déniche une petite plage sympa qui abritera le pique-nique.
Alors que la bande se restaure, qui voit-on
débarquer ? Les deux Ondines qui annoncent que, pour une fois qu’elles rencontrent de vrais kayakistes, elles voudraient bien, s’ils le permettent déjeuner avec eux. Certains ne se sentent
carrément plus pisser, ne parlons pas de l’élément gingembrisé !
On mange, on boit … peu ! Eh oui, incroyable mais pourtant vrai, douze Rates et Rats se retrouvent avec soixante quinze centilitres de pinard en tout et pour
tout ! Du jamais vu !
On parle aussi : Les nouvelles venues annoncent qu’elles se rendent à Amboise où elles doivent être pour le jeudi suivant et qu’elles répondent aux délicieux
prénoms d’Anaïs et Anny. La première, Anaïs, est française, professeur des écoles à Bobigny mais originaire du coin. Anny, la seconde est américaine et en vacances avec sa copine. Elle vient du
Connecticut . Le nom du lieu prononcé avec un mignon petit accent déclenche immédiatement une crise chez le Rat atteint de Gingembrite, dont la trogne se fend d’un sourire béat qui ne le quittera
plus jusqu’à la fin de la randonnée.
Le ventre plein, tout le monde repart. Direction camping de Chaumont. Les deux naïades s’arrêtent un moment alors que les Rats continuent leur chemin. Le temps est
changeant, plutôt ensoleillé mais quelques grains arrosent la troupe. De plus, Grand Gourou a annoncé une bonne douche pour la soirée.
Chaumont enfin ! Arrêt au pied du camping et aux pieds de Jacques qui attend les pagayeurs et yeuses sur la berge. Remontée des embarcations et coup d’œil sur
le ciel. Mince, Grand Gourou avait raison ça commence à crachiner sévère. Pendant que l’irremplaçable Jacques ramène les chauffeurs à leurs véhicules laissés à Muides le matin, les Rates et Rats
restants prennent une boisson chaude, les vêtements humides qu’ils portent sur le dos les rafraîchissant quelque peu.
Une privilégiée dans le lot : Roselyne qui, grâce à Jacques son chevalier servant, dispose dès son arrivée de rechanges et de tabac secs. Un quart d’heure
après son débarquement, elle est douchée, nippée et nicotinée de frais !
Anny et Anaïs arrivent à leur tour. Tandis que la jolie Française se rend à la réception située à l’autre bout du camp, la fille de l’Oncle Sam, tremblante, adossée
au tronc d’un chêne, s’abrite de la pluie comme elle peut. Patrick lui propose un café qu’elle accepte volontiers. Anne-Thérèse, au cœur plus gros que la fortune de Bill Gates, lui propose
carrément de dîner avec l’ensemble de la bande. Au retour d’Anaïs, la cause est entendue, deux convives de plus trôneront à la table. Cependant, tenant à participer, elles partent toutes deux
acheter « un petit quelque chose » pour le dîner.
Le temps passe… Tranquillement… Humidement aussi … ! Soudain, bruits de moteur : les chauffeurs reviennent. Surprise, deux d’entre deux ont une passagère.
Ils ont récupéré les jeunettes qui revenaient au camping après leurs achats au village. Gingerman (l’homme au gingembre) est accompagné de miss USA. Il descend de son véhicule, la bouille
rubiconde, fendue d’un énorme sourire, il brille comme un phare !
Le dîner est génial comme d’hab’. Anne-Thérèse, Chounet et Jacques ont, une fois de plus, fait des prodiges. L’ambiance est chaleureuse. Cette fois, les soixante
quinze centilitres du midi sont largement dépassés, d’autant plus que le « petit quelque chose » rapporte par les minettes s’avère être un petit cubi de rosé de Loire. Les vieux beaux
sont aux anges. La présence des deux jeunesses leur rappelle quelque part leurs vingt ans. L’un évoque le temps où il était grand, beau et fort dans la marine, on ne peut plus l’arrêter. Un autre
entonne « La Belle Barbière » repris aussitôt en chœur par ses complices, un troisième en bout de table, ne dit rien mais n’en pense pas moins. Un dernier enfin, va même jusqu’à
massacrer la deuxième voix de la chanson « Sounds of silence » en duo avec Anny à qui on a demandé un chant de son pays. Quant à l’atteint de Gingembrite, lancé à corps perdu dans un
conciliabule avec Anaïs, il ne brille plus … il rutile !
Les Rates présentes ont un petit sourire aux lèvres et regardent la scène d’un œil indulgent, peut-être un peu apitoyé. « Pauvres garçons ! »
doivent-elles penser. Enfin, tout ça reste bon enfant !
La nuit est tombée depuis longtemps. Vaisselle faite, respectueux des autres campeurs, les convives se séparent et chacun regagne qui, sa tente, qui, sa voiture
pour une nuit au bord du fleuve.
Fin du deuxième épisode. Prochain épisode :Jeudi 21 juillet, l’Art Rat qui Rit.
Jeudi 21 : « L’art Rat qui Rit »
Temps pas franchement estival au dessus de Chaumont, ce matin encore ! Il a bien plu durant la nuit. Un somptueux petit déj au creux du ventre,c’est sous un
fin crachin que le trio Jean-Luc, Chounet et Patrick part faire quelques achats. Fruits et charcutailles seront au menu à midi.
Le matériel plié, Rates et Rats se préparent à l’embarquement. Les Ondines dorment toujours. C’est jeune et frais mais ça n’a pas de résistance ces petites
bêtes-là, surtout face aux baroudeuses confirmées et autrement expérimentées que sont Bernadette, Marianne et Roselyne. Il faut les voir les Rates, se couler dans le lit du fleuve, poitrine
bombée et cheveux au vent. Le poignet est ferme sur la pagaie, le regard farouche. A côté d’elles, Lara Croft passerait pour une timide rosière de village !
Yannick trouve que les étapes sont un peu
longues et il n’a pas tort. Le fait est que les journées sont bien remplies et que la troupe n’a pas trop le loisir de musarder. Le temps passé à la récupération des véhicules après l’étape
n’arrange pas les choses. Cela dit, la météo s’est améliorée, le soleil brille et les passages nuageux se font plus rares. Tout baigne, donc.
Une pause est décidée, et la petite bande accoste sur une île dont le sol est couvert de galets et de morceaux de bois flotté. Tandis que certains se reposent,
d’autres collectent des pierres aux formes particulières et, bientôt un impromptu petit musée à ciel ouvert ouvre ses portes. Des œuvres éphémères sortent du sol ou même, naissent sur la panse de
Peupeu, panse sur laquelle a été érigée une splendide construction de galets qui se meut doucement au rythme de la respiration de ses fondations physiologiques.
Quelqu’un parle de Land Art, on lui répond qu’il faudrait trouver un nom spécifique aux merveilles qui viennent
d’être réalisées par les Rats. Serge, qui ne parle jamais pour ne rien dire et qui, comme on va le constater a le sens de la formule, propose alors l’appellation
suivante : « L’Art Rat qui Rit ». Rien à dire, c’est épatant, l’idée est retenue à l’unanimité.
La troupe repart. Les kilomètres défilent. Yannick dit que c’est long et il a toujours raison. A l’arrière, la fatigue des jours passés s’accumulant, ça traîne un
peu. Les Rates et Rats décident alors de casser la croûte un peu plus tôt que prévu, histoire de se redonner des forces. On s’arrête donc sur une île sablonneuse et le feu est allumé.
Peupeu en profite pour mettre ses affaires à sécher sur une espèce de croix de bois qu’il a planté dans le sol. De loin, l’ensemble a l’air d’un épouvantail et
après les soins que lui apportent des membres de l’équipe, c’est en fait ce à quoi il ressemble effectivement. Tous se regroupent autour de leur nouveau compagnon et une photo immortalise
l’instant.
Pendant que les saucisses cuisent, Mister Gingembre va faire quelques pas et revient au bout d’un moment la trogne en fleur ! Il a aperçu les jeunes compagnes
de la veille et leur a fait signe de se joindre au groupe. Elles n’arriveront en fait qu’au moment du café, lorsque Marianne, s’étant avisée qu’elles ont dû s’arrêter à un autre endroit, leur
fera signe à son tour. Une fois sur place, elles expliquent qu’elles ont bien vu l’homme qui les hélait mais qu’il semblait plutôt inquiétant et qu’elles ont donc choisi de débarquer ailleurs.
Imaginez le dépit du Rat concerné !
Kayaks à l’eau, pagaies en main, souquez camarades, il faut tailler la route ! La bande prend une bonne résolution : Rester groupés, ne pas aller trop
vite, attendre les retardataires. Sitôt dit, sitôt pas fait ! Deux excités se détachent rapidement et cavalent comme des dératés pour tailler une bavette avec les sirènes qui sont parties en
avant. Leur cible atteinte, tout le monde se calme et un réel regroupement est effectué. Cette fois, les Nymphettes restent en arrière et la bande des Rats ne les reverra plus avant « l’Ile
d’Or » d’Amboise, où elles accosteront après un dernier signe de la main.
Amboise ! La ville est magnifique, vue du lit de la Loire ! Le courant, qui se fraie un chemin entre les bancs de sable, emmène les embarcations vers la
rive gauche. Les pagayeurs et yeuses mettent pied à terre au pied du château et vont repérer un éventuel passage sous le pont. Une voie est trouvée et tout le monde passe sans encombre dans le
jus bouillonnant qui bondit joyeusement sous les arches de pierre.
Direction Montlouis, ce n’est pas la porte à côté ! Après quelques kilomètres, la fatigue commence de nouveau à se faire sentir. Yannick dit que c’est un peu
long et il n’a toujours pas tort le bougre ! Bon an mal an, les fières aventurières et iers, atteignent leur but. Soulagement pour les plus fatigués. Le pont de Montlouis, que tout le monde désespérait d’apercevoir un jour, se dresse enfin au détour d’un méandre. Une question se pose :
les accompagnateurs ont-ils dit qu’il fallait accoster en amont ou en aval du pont ?
Les frères choisissent la première option, aussitôt imités. Seule Roselyne poursuit sa route. La suite lui donnera raison. Jacques et Chounet, tout rouges de s’être
agités comme des diables à l’endroit de la rive où devait se faire l’arrivée, expliqueront que personne ne les a vus malgré les grands moulinets qu’ils faisaient à destination des rameurs.
L’affaire résolue, il faut hisser les kayaks sur la levée qui surplombe le fleuve. D’un côté de celle-ci, la Loire, de l’autre, le camping. Une fois au sommet, il
faut traverser une bretelle routière assez passagère, puis descendre vers le havre de paix où tout est déjà prêt pour nous accueillir. Il est déjà tard, et la navette pour récupérer les véhicules
prendra, une fois encore, un certain temps. Ce qui fera dire à Yannick que c’est un peu long, remarque frappée au coin du bon sens et que personne ne songera à contredire.
Douchée, pomponnée, retapes, l’équipe des Rates et Rats se retrouve à table pour dîner. Alors, là, c’est grandiose ! Anne-Thérèse nous a concocté une recette à
base de pâté Hénaff (le pâté du ????). C’est divin et tout le monde se lèche les babin es. Puis, c’est
l’heure de mettre la viande dans les torchons. Le petit pipi vespéral effectué, on regagne sa tente ou son véhicule. Durant la nuit, la pluie sera encore au rendez-vous mais, bien au chaud, Rates
et Rats se riront des éléments et dor miront du sommeil du juste
Fin du troisième épisode. Prochain épisode : Vendredi 22 juillet, Les Seigneurs du fleuve.
Vendredi 22 : « Les Seigneurs du fleuve »
Réveil, petit déj, pliage des guit ounes, tout se fait maintenant en deux temps
trois mouvements. Au quatrième jour de rando, l’équipe a pris ses marq ues. Les kayaks sont bientôt à l’eau, leurs
pilotes à l’intérieur. On vérifie les appareils de bord, et c’est parti pour la dernière étape : Montlouis/Bréhémont. Une douzaine de ponts jalonnent le parcours dont les
fa meux ponts Wilson à Tours et pont de la Motte, théâtre de nombreux chavirages lors de sorties précédemment
effectuées par « Les Seigneurs du Fleuve », j’ai nommé les frères !
Il faut les voir les frangins ! Ils connaissent comme leur poche le fleuve qui les a vu naître. Lorsque les fonds se rapprochent, menaçant d’échouage les
embarcations, leur œil d’aigle a tôt fait de repérer la veine dans laquelle file le courant, si faible soit-il. D’après la légende, ces fiers compagnons auraient été trouvés sur une grève
sableuse, aux environs de La Daguenière, dans un berceau d’osier tressé en forme de canoë, déposée là par La Rivière de Loyre, il y a bien longtemps. Certains les disent immortels mais on dit
tellement de choses !
Les deux ouvrages d’art qui surplombent la Loire en aval de Montlouis ne posent aucun problème pour les navigateurs, pas plus que les trois qui suivront à l’arrivée
sur Tours, dont les immeubles apparaissent au loin. Traverser une grande ville en kayak, c’est assez sympa et ça n’arrive pas si souvent. Les Rats sont plus, des champs, que des villes.
Le fameux Pont Wilson dresse bientôt sa
silhouette massive devant les randonneurs. Toute sa partie centrale est bétonnée. Une reconnaissance s’impose. Un passage pourrait être envisagé sous la première arche de la rive gauche mais la
troupe soupçonne la présence d’un gros bloc de pierre au milieu du parcours. Le portage semble être l’option la plus raisonnable. Une longue chenille, composée d’anneaux de chair et de bois,
serpente alors sur les quais. Un homme, un kayak, un homme, un kayak … et ainsi de suite. Ah oui, une femme aussi de temps en temps !
La traversée de la ville effectuée sans encombre, la joyeuse troupe arrive quelques temps après aux abords du célèbre Pont de la Motte. Il faut signaler que,
environ un mois avant le départ de la balade, les Seigneurs du Fleuve ont fait parvenir à l’ensemble des participants, de spectaculaires photos de l’endroit. On y voit des canoës malmenés par des
remous dignes de ceux du Colorado, c’est assez impressionnant.
Le premier à se décider est Yannick. Royal, tous les sens en éveil, protégé des Dieux, on le voit s’engager sous le pont, aussitôt happé par le courant fou. La
marche à descendre étant assez importante, il disparaît totalement du champ de vision de ses condisciples. Suspense … Passé ? coulé ? … L’attente est de courte durée, on aperçoit à
nouveau le bonhomme au-dessus de la surface.
Conforté par le succès du Maître, Patrick s’élance à son tour dans le boyau. Il passe le premier seuil mais est assez impressionné par la marche qui lui succède.
Son kayak plonge carrément dans le bouillon et il lui faut pagayer ferme pour maintenir la bête sur la bonne trajectoire. Au moment où il pense être sorti du chaudron du Diable, un courant de
travers retourne l’équipage cul par-dessus tête. A l’eau, le petit canard !
Il ne lui reste plus qu’à écoper et tenter de remonter à bord. Alors qu’il effectue ces opérations, gêné par un courant violent, il voit arriver sur lui Serge et
son kayak. Ce dernier, craignant de heurter le naufragé, a toutes les peines du monde à diriger son engin dans la bonne direction. Il y parvient cependant, Seigneur du Fleuve oblige !
Pendant ce temps, Patrick a réussi à se glisser dans son embarcation et se dirige vers une plage accueillante. Le quatrième et dernier à tenter l’aventure, Dominique, le fait avec succès. Le
reste de la troupe, échaudé, préfère choisir une voie moins difficile.
Sur la rive, Patrick a installé un étendoir rustique sur le quel commence à sécher
son petit linge. L’endroit, plutôt sympathique, tape dans l’œil des aventuriers et ières. Comme il fait beau, ils décident d’y pique-niquer malgré le peu de distance parcourue.
La balade se poursuit sans incident jusqu’au confluent de la Loire et du Cher. A cet endroit, se dresse le pont de Cinq-Mars-la Pile, au pied duquel un seuil crée
des remous assez puissants. Cette fois, c’est au tour de Bernadette d’apprécier la douce température de l’eau. Son gilet la maintient sans problème à la surface mais, les courants sont tels
qu’ils empêchent l’embarcation et son ex-occupante, de f iler dans le courant et d’accéder ainsi à la rive
pourtant proche. Il faut l’intervention musclée de ses mari et frère, héros s’il en est, pour sortir l’aventurière des eaux écumantes, tandis que Patrick prend en charge son kayak, animal rétif
qui ne demande qu’à vivre sa vie sans contrainte, au gré du courant capricieux.
C’est une Bernadette courageuse et toute sèche qui remonte dans son esquif pour poursuivre le périple commencé trois jours auparavant. Les coups de pagaie succèdent
aux coups de pagaie, il reste encore de la distance jusqu’à Bréhémont et la fatigue s’installe insidieusement dans les muscles des participants. Comme le
fait remarquer fort justement Yannick : c’est un peu long !
Le pont de Langeais, si caractéristique, se profile à l’horizon signifiant aux kayakistes que l’écurie n’est plus loin. Au pied de l’ouvrage, la fière silhouette de
Jacques émerge des hautes herbes et ne résistant pas à l’appel de son homme, Roselyne abandonne lâchement ses compagnes et compagnons de galère, à cinq
malheureux kilomètres à peine de l’arrivée.
Les kilomètres en question sont avalés en deux coups les gros et Rates et, Rates et Rats accostent à la cale de Bréhémont, tout fiers de leur exploit. Sur la grève,
une surprise les attend : Vân et ses deux filles sont venues les accueillir et assister au dîner de clôture.
Les navettes de véhicule terminées, tout le monde se retrouve attablé autour d’un festin préparé par Anne-Thérèse et Chounet, au camping de Rivarennes, tenu par Mme
et Mr Postel. Ce dernier, ravi de retrouver la petite troupe qu’il a déjà hébergée l’an dernier, passe une partie de la soirée en sa compagnie, réclamant pour le lendemain une partie de Mölkky
(prononcer molkiou), jeu de quilles d’origine finlandaise, qui lui a beaucoup plu l’année précédente.
Au cours des agapes, Chounet et son épouse se voient offrir une cafetière électrique, en remerciement des services rendus. Jacques, toujours présent chaque jour
pour ramener les chauffeurs à leurs voitures, n’est pas oublié. Amateur de bon vin, il reçoit une sélection de crus du coin. Cela doit lui plaire car il met une ambiance du tonnerre de Dieu
durant toute la soirée.
La panse rebondie et correctement humidifiée, les Rates et Rats vont se coucher tandis que Vân et ses minettes rentrent à la maison.
Samedi 23 : « Epilogue »
C’est sous un soleil un peu tiède mais présent, ce qui n’est déjà pas si mal, que se déroule le dernier petit déj. On fait les comptes, on se livre à sa petite
toilette et on plie le matériel. Anne-Thérèse se voit offrir une hache de pierre, pour on ne sait quelle obscure raison, puis les premiers départs ont lieu. Dominique qui enchaîne avec des
vacances en famille prend la route le premier, en compagnie de Patrick, son passager.
Mr Postel ne va sans doute pas tarder à pointer le bout de son nez pour sa partie de Mölkky avec le reste de la bande …